L’autopartage : une solution d’avenir ?

ARUNAS KLUPSAS
[social-bio]

Mobizen, Avis on Demand, Hertz on Demand, Key’Lib… ça vous dit quelque chose ? Pas forcément, surtout si vous n’êtes pas Parisien.

Et si je vous dis Autolib ?

Là, vous en avez probablement entendu parler. Il s’agit d’un nouveau mode d’utilisation de l’automobile : l’autopartage.

Mais de quoi s’agit-il exactement ? L’autopartage est un système où une organisation (entreprise, coopérative, association, régie publique…) met à disposition de ses clients/membres une flotte de véhicules, généralement loués pour une période très courte. L’idée est de proposer un véhicule uniquement quand l’usager en a besoin, de l’utiliser et de le remettre à disposition des autres usagers qui l’utiliseront à un autre moment.

Ce système tente de pallier le problème lié à la sous utilisation de la voiture particulière. On le sait peu, on s’en doute mais on ne l’évoque pas, mais la voiture passe le plus clair de son temps sagement sur son emplacement de parking. Elle n’est utilisée qu’à hauteur de 8% de sa durée de vie en moyenne, chiffre dévoilé par le Sénat dans une de ses propositions de loi visant à promouvoir l’autopartage.

En résumé, un énorme gaspillage économique, environnemental et urbain.

Face à ce constat, l’autopartage va permettre de rentabiliser une automobile par l’intensification de son usage : elle est louée plusieurs fois par jour, et son prix est intégralement calculé dans les moindres détails (au kilomètre, au temps d’usage, à l’entretien, à l’assurance, au carburant, à la réservation et la gestion… plus une marge).

Mais cela suppose d’avoir un potentiel élevé de clients pour rentabiliser les investissements : en clair, des zones densément peuplées avec des usagers utilisant l’autopartage suffisamment et de manière complémentaire. D’où l’émergence de ce système limité pour le moment aux grandes agglomérations.

Malgré des débuts un peu laborieux, Autolib à Paris semble prendre doucement son envol : 5.000 abonnés, 15.000 utilisateurs le mois dernier, avec pour objectif 3.000 voitures pour 1.000 stations d’ici la fin de l’année. Mais le seuil de rentabilité semble encore loin…

Au-delà de l’énergie électrique utilisée par les Bluecar d’Autolib, d’un point de vue écologique, l’autopartage a une vertu considérable : une voiture peut potentiellement être beaucoup plus utilisée en intensité et en nombre d’utilisateurs. Même si 70% des Parisiens ne possèdent pas de voiture, Paris semble encore largement congestionnée, étouffée par l’automobile. Si l’autopartage peut permettre de réduire le nombre de véhicules roulant dans Paris, ce sera toujours une bonne nouvelle pour ses habitants.

Mais on lui reproche aussi de ne grignoter l’espace public, d’être inutile car renforçant une offre de mobilité dans des zones déjà largement pourvues en transports en commun, voire d’être une concurrence déloyale aux taxis…

Pourtant, toujours en reprenant l’idée de distinguer les besoins en mobilité, l’autopartage peut être une excellente solution pour pallier aux petits déplacements, occasionnels comme plus réguliers mais jamais quotidiens, comme faire ses courses, rejoindre un endroit mal desservi en tant normal. Face à des agglomérations généralement bien fournies en transports en commun, l’offre que propose l’autopartage est plus complémentaire que concurrentielle afin de remplacer l’ensemble des services proposés par une automobile classique.

Le frein psychologique est de loin le plus délicat à adopter : les premiers mois d’Autolib ont montré que 70% des utilisateurs étaient des 18-35 ans, population peut-être moins attachée à la possession d’une automobile et prête à en privilégier l’usage en tant que service.

Alors que les transports en commun atteignent leurs limites, l’autopartage offre une solution, certes, mais elle n’a pas vocation à remplacer le besoin n°1 en mobilité : la mobilité quotidienne, ultra régulière, de type domicile travail.

Ce type de mobilité représente la très large majorité des déplacements,  et il est à mon sens stupide d’attendre de l’autopartage de répondre à ce type de besoin. De nombreuses critiques se focalisent à tort sur ce point.

L’autopartage doit se voir comme une offre complémentaire, et doit être développée en étroite collaboration avec les autres types de transports, à l’image du meilleur exemple dans ce domaine : le réseau suisse d’autopartage Mobility.

Et vous, seriez-vous prêt à abandonner votre voiture pour passer à l’autopartage ?

 

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AUTEUR

Pierre-Edouard Sabary

Actuellement consultant en marketing pour un grand constructeur automobile européen, j'ai obtenu un Master en management gestion et développement durable à l'ESCEM Tours-Poitiers et l'Université de Sherbrooke au Québec. Passionné par la mobilité, j'essaie de répertorier et qualifier les nouvelles solutions de mobilité durable, écologiquement, économiquement et socialement viable. Un vaste programme !

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6 commentaires
  • Leila

    Très bon article qui éclaircie bcp le sujet… Mais dans ma campagne… Je ne suis pas prête de voir arriver l’auto-partage ! Pour les zones péri-urbaines le covoiturage reste une très bonne solution =)

  • Jerome Hoarau

    Excellent @PE_Sabary:twitter  ! Je voyais tous les jours ces autolib’ dans Paris mais je ne m’étais pas vraiment renseigné sur le concept. Du coup j’ai beaucoup plus d’informations pertinentes.
    Mais comme le dit @Leilapons:twitter , cette solution semble plus adaptée aux agglomérations que les zones rurales.
    Ensuite ma question : Quel est l’impact réel de ces voitures si l’on prend en compte le cycle de vie du produit ? J’ai cru comprendre que la production de ces voitures n’ont pas de grandes vertus écologiques…

    Jérôme @jero974:twitter 

  • Pesabary

    Tout à fait ! Etant moi-même à la campagne, il est indispensable pour les populations loin de toutes alternatives de transport de posséder une voiture. J’aurais tendance à dire que l’autopartage est valable dès lors qu’il y a une certaine concentration de population et où il y a un réseau de transports en commun relativement fréquent. Finalement, ce sont les zones urbaines et péri-urbaines qui pourraient être adaptées en France.

  • Pesabary

    La production automobile, comme de nombreuses autres productions, est forcément source de pollutions. Mais les constructeurs ont généralement fait beaucoup d’efforts dans les usines, en respectant certaines normes ISO, en réduisant la consommation d’eau et d’électricité (c’est tout bénef économiquement), mais surtout, l’automobile est le seul produit de grande consommation à avoir un véritable process de recyclage en Europe. 

    Je crois avoir vu que 95% d’une automobile peut être recyclée en Europe. Du coup, si on tente d’optimiser au maximum l’usage d’un véhicule au cours de sa durée de vie via l’autopartage, il y a potentiellement moins besoin de construire de voitures par personne, moins d’entretien, et moins de recyclage et de pollution en bout de chaîne. 

    Mais comme disait mon prof de DD à Poitiers Christoph Bey, même si on recycle à quasiment 100% une voiture, ce n’est pas pourtant autant qu’on en fera une nouvelle voiture, ni même bas de gamme. Nous ne sommes pas tout à fait sur un cycle de vie complètement fermé.

  • Nicolas

    Bonjour,

    Vous qui êtes dans les campagnes, ne désespérez pas et rejoignez la réovolution CityzenCar qui permet de partager en toute sérénité toutes les voitures qui sont garées dans la rue, pourvu que votre voisin soit d’humeur !

    https://fr.cityzencar.com

  • Pesabary

    Bonjour Nicolas,

    J’en avais entendu parlé. C’est une super initiative !
    De quoi rentabiliser à tous les points de vue une automobile. Reste à trouver les bons voisins, c’est vrai.
    Globalement à la campagne, la plupart des gens ont une voiture, c’est une question de survie j’ai envie de dire !

    Reste à savoir si ça va durer, même si le prix de l’essence diminue en ce moment, nul doute qu’il remontera, et mettra de plus en plus en péril le modèle du véhicule individuel.
    En tout cas, je mentionnerai probablement ce genre de modèles économiques dans mes prochains articles.

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