Les ZAPA : quand mobilité et santé sont enfin associées

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Le Journal Officiel a rendu public ces derniers jours un élément clé du Grenelle de l’Environnement : la classification des véhicules qui pourraient être interdits de circulation dans les ZAPA (Zones d’Action Prioritaires pour l’Air).

LES ZAPA, MODE D’EMPLOI

De quoi s’agit-il exactement ?

Tout simplement de lutter contre la pollution toujours plus importante dans les grandes agglomérations, à tel point qu’on estime aujourd’hui à 42.000 les morts causés par les émissions de particules fines et d’oxyde d’azote (les fameux NOx). Ces chiffres, collectés par le Conseil National de l’Air, sont pourtant mal connus du public. Encore moins connues sont leurs causes…

Certaines villes européennes, notamment Londres, Berlin ou encore Stockholm, ont mis en place des zones « low emissions » depuis 2011, avec des effets concrets sur la pollution atmosphérique. En interdisant de circuler les véhicules les plus polluants aux heures de pointe, notamment les véhicules diesel, ces villes ont pu réduire significativement leurs émissions de particules et de NOx.

L’Etat a décidé d’expérimenter les solutions de nos voisins en créant les ZAPA. Des villes se sont portées volontaires pour mettre en place ces zones, à savoir Paris, Saint-Denis, Clermont-Ferrand, Nice, Grenoble, Lyon, Aix-en-Provence et Bordeaux, où seront régulées la circulation des véhicules en en interdisant l’accès à certaines catégories.

Si on connaissait le prix de la sanction (de l’ordre de 68 à 135€), on ne savait pas très bien qui pourrait être touché par cette interdiction ! C’est chose faite, le Ministère a rendu public les catégories officielles de véhicules. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le diesel y est très défavorisé ! La motorisation préférée des Français est en effet peu polluante en termes de CO² (non toxique, mais responsable du changement climatique) mais est beaucoup plus nocif au niveau des particules fines et de l’oxyde d’azote. La technologie du filtre à particule (FAP), désormais obligatoire pour en réduire la teneur, ne permet toutefois pas au diesel d’être aussi limité en particules fines que l’essence ou d’autres carburants alternatifs comme le GPL, le bioéthanol ou le gaz naturel.

C’est donc très logiquement que ces véhicules, nocifs pour la santé, sont plus fortement visés par ce décret qui vise à en réguler le nombre en période de pollution. Cette mesure risque fort de déplaire à nos chers automobilistes, qui sont poussés par les pouvoirs publics depuis des années à choisir le diesel !

En effet, en fonction du choix que feront les collectivités, au moins 3 millions de véhicules, ceux antérieurs à 1997, sont touchés. C’est en réalité un minimum, car en étendant au niveau le plus élevé, soit l’ensemble des véhicules ne respectant pas les normes Euro IV, on atteint les 17 millions !

Pour information, le parc roulant français compte environ 37 millions de véhicules.

UNE POLITIQUE RESTRICTIVE A COMPLETER D’UNE POLITIQUE INCITATIVE

Si ce revirement est salutaire, il serait temps de mettre un terme aux autres avantages incompréhensibles en faveur de ce carburant, qui distord complètement la physionomie du parc roulant français.

S’il est tout à fait adapté à transporter de lourdes charges sur de longues distances, le diesel n’est absolument pas adapté aux petites trajets urbains, où il n’a pas le temps d’être efficace, émets beaucoup de pollution,  et économiquement il coûte trop cher en entretien et à l’achat pour en rentabiliser l’investissement face à l’essence. Mais la mode du tout diesel, favorisé par une taxation moindre sur le carburant, est encore forte, tant le prix à la pompe semble être le seul critère au moment du choix d’un véhicule. Grave erreur…

Les mécontents seront donc nombreux : propriétaires de vieux véhicules essence (avant 1997) mais surtout des très nombreuses voitures diesel d’avant 2006, tombant sous le coût d’une interdiction ou d’une amende pour se risquer en ville. La « politique du bâton » ici appliquée ne peut se contenter d’uniquement punir ceux qui ont la malchance d’habiter en dehors de ces villes. Mal desservis par les transports en commun, sans avoir les moyens de changer de véhicule ou d’habitat, pas besoin d’être grand clerc pour comprendre qu’il ne s’agira pas des catégories les plus aisées.

Elle doit donc nécessairement se compléter avec une « politique incitative ». Tout d’abord en favorisant les transports en commun au sein même des villes pour rendre l’usage de la voiture le moins nécessaire possible, et en multipliant les parkings relais autour des agglomérations pour favoriser l’interopérabilité entre les deux modes de transport. Les véhicules polluants resteront en dehors mais devront bénéficier alors d’une compensation par une facilité d’utilisation accrue de transport alternatif. Enfin, en complétant le dispositif par un péage urbain, dont les recettes pourraient être reversés aux automobilistes vertueux qui laisseront leur voiture au parking et bénéficieront d’un tarif réduit sur leur ticket de transport en commun.

Alors oui, il faut réduire les flux de véhicules entrants en ville mais il faut aussi permettre l’accession à de nouveaux types de véhicules individuels plus propres pour ceux qui dans leur quartier en ont besoin. Notamment en réajustant le bonus malus, trop centré sur le CO², pour l’élargir aux autres émissions dans leur ensemble, et en favorisant les énergies alternatives et les deux roues électriques encore très marginaux.

L’argent investit dans ses infrastructures ne sera pas perdu. En ces temps de crise, investir maintenant, c’est réduire la dépendance au pétrole pour demain, qui sera toujours plus coûteuse, et réduire les dépenses de santé face à la pollution atmosphérique.

Alors certes, il reste encore du chemin à faire. Il faudrait déjà que les élus locaux valident ces dispositifs : en période électorale, les mesures démagogiques prennent généralement le pas sur celles qui ont une réelle influence positive sur notre avenir… Mais la France ne peut pas être encore une fois le mauvais élève de la classe européenne. Alors que la France est régulièrement poursuivie par l’Union Européenne pour le non respect des normes de pollution de l’eau et de l’air, il est encourageant de voir que ce n’est plus forcément Bruxelles qui agit désormais pour protéger la santé des Français.

 

Sources et pour en savoir plus :

http://www.developpement-durable.gouv.fr/Les-premieres-recommandations-du.html

http://www.actu-environnement.com/ae/news/zapa-recommandations-conseil-national-air-projet-arrete-12909.php4#xtor=EPR-1

http://www.developpement-durable.gouv.fr/Quels-sont-les-types-de-vehicules.html

 

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AUTEUR

Pierre-Edouard Sabary

Actuellement consultant en marketing pour un grand constructeur automobile européen, j'ai obtenu un Master en management gestion et développement durable à l'ESCEM Tours-Poitiers et l'Université de Sherbrooke au Québec. Passionné par la mobilité, j'essaie de répertorier et qualifier les nouvelles solutions de mobilité durable, écologiquement, économiquement et socialement viable. Un vaste programme !

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