Horizon 2020 : quelles perspectives pour le véhicule électrique ?

Crédit : Jeremy Woodhouse
[social-bio]
Le marché du véhicule électrique ne représente aujourd’hui qu’une goutte d’eau dans les ventes globales au niveau mondial. Pour le marché français en 2011, cela correspond à un peu plus de 2.600 immatriculations sur un total de 2.2 millions. Soit 0.12% !

Mais pour ce qui est de l’avenir, les prévisions divergent complètement, que ce soit entre constructeurs ou cabinets d’expert. A titre d’exemple, le Groupe VW prévoit un petit 1.5% des ventes à horizon 2020, contre 10% pour Renault-Nissan. L’écart est conséquent, c’est le moins qu’on puisse dire !

Pour le moment, les constructeurs investissent tous plus ou moins massivement dans ce domaine, en prévision d’un futur où le pétrole se fera plus rare et plus cher. Mais ce n’est peut-être pas cette perspective d’un avenir où le baril s’envolera qui permettra la réalisation de ces prévisions.

5 MILLIONS DE VEHICULES ELECTRIQUES EN CHINE EN 2020

Ces derniers jours, la Chine a fait savoir son intention de mettre en circulation un total de 5 millions de véhicules électriques et hybrides sur son territoire en 2020. C’est pratiquement la moitié de la prévision de Carlos Ghosn, patron de Renault-Nissan, qui s’est logiquement réjouit d’une telle annonce.

Pour autant, une telle nouvelle est-elle bonne pour l’économie, l’environnement, et la société ?

La Chine est certes gigantesque, son potentiel d’équipement automobile semble encore énorme, mais les problèmes que nous connaissons en Europe et aux USA sont d’ores et déjà présent là-bas : embouteillages, pollution, consommation excessive de matières et d’énergie.

Alors qu’aujourd’hui seuls 50 chinois sur 1000 possèdent une automobile, que se passerait-il si 83% des ménages chinois possédaient (et utilisaient !) une voiture comme en France ?

UN RISQUE QUANTITATIF…

Et bien, que ce soient des véhicules thermiques, hybrides ou électriques, remplacer à un pour un le parc roulant thermique en parc électrique ne ferait que déplacer certaines problèmes, tout en en conservant les autres ! Dans nos pays à la densité de population très forte, que ce soit dans les zones urbaines occidentales ou les zones côtières chinoises, les données sont les mêmes. Les résultats aussi…

La pollution atmosphérique ne serait peut-être plus occasionnée par le flux gigantesque des véhicules thermiques, mais par l’accroissement de la production électrique issue des centrales à charbon. La congestion automobile resterait très présente. L’utilisation intensive de matières premières, pour la production des batteries comme le lithium ou pour tous les autres métaux, conduiraient à la destruction inévitable de notre écosystème et de la biodiversité.

Certes, l’énergie peut être produite de manière renouvelable, et à ce titre, la Chine investit massivement. Quitte d’ailleurs à ruiner au passage nos propres filaires européennes d’énergie solaire par un dumping scandaleux.

Certes, le recyclage des métaux pourraient permettre de produire des véhicules électriques plus proprement.

Mais comme tout médicament prescrit à trop haute dose, l’effet quantitatif sera dévastateur.

… MAIS UN RISQUE MAITRISABLE DANS UNE DEMARCHE GLOBALE ET DURABLE

Un objectif de 5 millions de véhicules électriques reste raisonnable et gérable d’un point de vue environnemental si l’on prend bien en considération tous les aspects de la filiaire électrique. D’un point de vue social, et surtout sanitaire, la diminution drastique de la pollution en ville est réellement salutaire. Le véhicule électrique peut-être une solution pour les populations des banlieues isolées, des zones périurbaines, qui ne supporteront pas le renchérissement du coût du pétrole.

D’un point de vue environnemental, cela nécessite de l’électricité produite de manière durable, ce qui sous-entend d’en produire en quantité limitée et pas pour un parc automobile énorme qui s’ajoutera aux besoins classiques en électricité. Cela pourrait être beaucoup plus vertueux que l’usage systématique d’une seule solution, qu’elle soit thermique ou électrique pour faire face au changement climatique, à la raréfaction des matériaux et des énergies fossiles.

Au niveau économique, si les business models permettent de rendre effectivement rentable sur le long terme cette solution, alors la boucle est bouclée. Mais elle ne résoudra pas les problèmes de mobilité dans leur ensemble, et face à l’explosion démographique en zone urbaine, seule une rationalisation de l’utilisation de tous les modes de déplacement pourra les résoudre. Et en particulier des transports en commun, plus adéquat dans ces zones, pour laisser l’automobile à ceux qui n’ont pas la possibilité d’avoir un autre moyen de se déplacer.

Un futur plus rationnel qu’émotionnel… Là encore, c’est peut-être la barrière la plus difficile à franchir : l’automobile passion est primordiale dans les économies émergentes comme vecteur de réussite sociale. Les SUV, 4×4, moteurs V8 et autres joyeusetés pas très durables sont indiscutablement plébiscités là bas. Mais comment les en blâmer, quand en France, la moindre accalmie dans la crise favorise le retour de ces véhicules ? Il serait temps de penser rationnel. Ou bien de rapprocher le rationnel de l’émotionnel. Dans l’alimentation, le bio progresse chaque année : effet de mode ou retour à la raison ? Espérons qu’il en sera autant un jour pour les modes de déplacement durables.

 

Crédit photo : Jeremy Woodhouse

Comments

comments

AUTEUR

Pierre-Edouard Sabary

Actuellement consultant en marketing pour un grand constructeur automobile européen, j'ai obtenu un Master en management gestion et développement durable à l'ESCEM Tours-Poitiers et l'Université de Sherbrooke au Québec. Passionné par la mobilité, j'essaie de répertorier et qualifier les nouvelles solutions de mobilité durable, écologiquement, économiquement et socialement viable. Un vaste programme !

Tous les articles par : Pierre-Edouard Sabary
1 commentaire
  • Jerome Hoarau

    Superbe analyse !
    Il est vrai que nous manquons de recul sur le sujet de la mobilité. Nous essayons de remplacer un moyen par un autre, sans chercher à comprendre le « pourquoi » ? Nous nous accrochons sans relâche à notre mode de vie, alors que c’est ce dernier qui provoque des impacts négatifs, pas uniquement les moyens que nous utilisons.

Laisser une réponse

Votre adresse courriel ne sera pas poubliée